Astrée

Astrée, en souvenir d’un galion de la Compagnie des Indes qui fit naufrage dans un autre siècle. 
Imaginons que sa prestigieuse et peut-être mythique cargaison de porcelaines, éloignée à jamais de toutes les convoitises humaines, reprenne vie au fond de la mer. 

Imaginons qu’au bout d’un temps indéfini, se soit développée entre toutes ces pièces précieuses livrées à elles-mêmes, une originale civilisation des formes et des couleurs.

Plus de 10000 miniatures, patiemment tournées une à une par Grégoire Scalabre, sont émaillées dans un bouquet de teintes de vert choisies dans la palette de Sèvres, de l’Empire à l’Absinthe, jusqu’au blanc. Ainsi rassemblées en densité, en concrétions, ces miniatures s’assimilent à une inflorescence marine, tant elles sont toutes différentes, à l’image des êtres vivants. 

Structurellement, Astrée est une pièce que l’on peut qualifier « d’interactive », car les milliers de pièces de porcelaine, aimantées sur le vortex de métal, peuvent être redisposées indéfiniment. 
Cette accumulation constituerait-elle maintenant un manteau protecteur recouvrant une improbable épave ? 
Se serait-elle emparée d’un objet post-industriel égaré en territoire marin hostile, ou encore d’un sillage d’hélice cristallisé pour une éternité sous-marine ? 

La cargaison semble, en tous cas, être devenue le vaisseau lui-même. 
Ces formes exquises, produites par l’homme pour ses assouvissements, sont miraculeusement rescapées, non seulement des profondeurs, mais encore du temps, comme si leur multitude et leur concentration leur avait donné le pouvoir ultime, fusse-t-il minéral, dans une nouvelle organisation.